Friday, October 28, 2005

The dream has gone but the baby is real

Je suis loin d'être un inconditionnel des frères Dardenne mais j'aime leur enthousiasme de néophytes (il faut vous débrouiller pour regarder le commentaire passionnant qu'ils livrent sur Modern Times dans les suppléments du DVD MK2), leur refus du cynisme et même certains aspects de leurs films (enfin simplement Rosetta et L'enfant puisque incompréhensiblement, je n'ai jamais vu La promesse). Je dis certains aspects car je ne suis pas totalement convaincu par le dogmatisme de leur position. Leur jusqu'auboutisme formel ( pas de musique extra-diégétique, pas de champs-contrechamps ) force l'admiration mais ne parvient pas à emporter totalement mon adhésion.
l-enfant
Comme lors de Rosetta, je suis ressorti asphyxié de la projection de L'enfant. Une caméra qui colle littéralement aux frusques des protagonistes, des plans si serrés que Sonia et Bruno apparaissent rarement sans un membre tronqué et il faut attendre la scène du vol de sac à main pour voir le premier panoramique. Bref, il nous manque des espaces pour pouvoir prendre place dans le film. Les frères Dardenne sont aussi butés que Rosetta qui refusait les mains qui se tendaient vers elle. Pourtant moi aussi j'avais envie d'aimer leur film ( ne serait-ce que pour les prises de risque narratives et techniques qu'il suppose ) mais je suis resté un simple spectateur : je n'ai pas tremblé pour Bruno sauf dans la très belle scène sur l'Escaut où celui-ci cache Steve sous l'escalier rouillé (là, oui, j'ai frissonné !).
Et puis, étrangement, ils abandonnent ce parti pris de dureté (qui, s'il est parfois difficile à encaisser a le grand mérite d'éviter tout apitoiement) pour une scène d'aveu devant l'inspectrice qui ne leur fait pas honneur. Brusquement, ils se déballonnent et amènent un regard édifiant qui s'inscrit en faux par rapport à tout ce qu'on a vu jusque-là : Bruno est au fond un brave garçon puisqu'il rend l'objet de leur larcin et se dénonce comme le chef de la bande . Guillaume ( mon frère ) qui m'accompagnait à la projection s'énervait aussi contre le jeu de Jérémie Rénier dans la dernière scène ( ses sanglots lui semblant bien artificiels ) et tous les deux, nous ragions de n'avoir pas vu le grand film que les Dardenne étaient près de réussir.



Thursday, October 20, 2005

And my lips were like sand, and...

On a du mal à en croire ses yeux lorsqu’on lit les users comments pour Lolita sur Imdb. Apparemment, il se trouve un nombre non négligeable d’énergumènes qui préfèrent la version d’Adrian Lyne ( 1997 ) à celle de Kubrick ( 1962 ) mais, bon sang, ont-ils réellement vu les deux mêmes films que moi ?Lolita + Lynne

Je savais qu’Adrian Lynne n’avait pas bonne réputation auprès des cinéphiles mais n’ayant vu aucun de ses films précédents, j’étais bien décidé à lui laisser sa chance d’autant que j’étais curieux de voir Jeremy Irons marcher sur les pas de James Mason.

« A perfect cast » note Léonard Matlin dans Playboy. On est tenté d’ajouter : « maybe but in another movie » ! Car ce qui pose problème au film et autant commencer par la poutre tout de suite avant de voir les pailles, c’est Dominique Swain. Nabokov avait pourtant été sans ambiguïté sur ce point : n’importe quelle fille entre 9 et 14 ans ne peut prétendre au statut de nymphette ! Il s’agit d’un être rare et délicat qui ne fleurit pas partout, même dans les agences de castings."[…]are all girl-children nymphets? Of course not. Otherwise, we who are in the know, we long voyagers, we nympholepts, would have long gone insane. Neither are good looks any criterion; and vulgarity, or at least what a given community terms so, does not necessarily impair certain mysterious characteristics, the fey grace, the elusive, shifty, soul-shattering, insidious charm that separates the nymphet from such coevals of hers […]" Les critères donnés par Nabokov ont beau être assez abstraits, jamais je n’ai réussi à assimiler Dominique Swain à une nymphette ( quand je pense que Christina Ricci postulait pour le rôle ). Sa vulgarité, le spectateur la saisit dès son apparition sur la pelouse dans ce sourire forcé dont elle gratifie Humbert Humbert ( découvrant un appareil dentaire qui surjoue l’adolescence comme les socquettes et les couettes dont on affuble des actrices déjà passées dans certaines productions à caractère pornographique ). La vulgarité n’est pas rédhibitoire en soi ( cf. Nabokov) mais il s’agit là d’une vulgarité toute plate sans rien de ce charme insaisissable dont pouvait se prévaloir Sue Lyon. Le regard perpétuellement vide, des vêtements trop courts pour son corps de 16 ans ( et ce n’était pas la mode à l’époque ), autant de sex-appeal qu’une sucette dans le caniveau ( à tout prendre, Melanie Griffith, la soi-disant « obxnoxious mamma » est autrement excitante ), Dominique Swain traverse le film sans avoir rien compris de son personnage.

La classe naturelle de Jeremy Irons, sa parfaite diction laissaient présager une incarnation autrement réussie mais là encore, et désolé de décevoir ses fans, le contresens est total.

Avec sa tête de cocker sous neuroleptique , Jeremy Irons n'est jamais un Humbert Humbert crédible. Il est en permanence abattu, ce qui va à l’encontre de la vitalité requise par le personnage. Humbert est un quadragénaire plein de santé et de drôlerie, pas un enseignant dépressif avec le regard continuellement dans le vide. Alors qu’il devrait jubiler à l’idée de posséder enfin Lolita, ses yeux hagards balaient les couloirs des Enchanted Hunters comme s’il s’agissait du couloir des condamnés à mort. Je jure que je n’exagère pas : regardez pour vous en convaincre sa tête à la 47ème minute alors qu’en voix off, on l’entend murmurer : “Gentlewomen of the jury, if my happiness could have talked, it would have filled that hotel with a deafening roar”. Qu’Humbert Humbert soit angoissé et meurtri après la disparition de Dolorès, je n’y vois aucun inconvénient mais pas dans tout ce qui précède sa fugue. Le problème est qu’il s’inscrit parfaitement dans la démarche de Lyne qui n’avait qu’une envie, gommer l’aspect satirique et hénaurme du livre de Nabokov et du film de Kubrick pour livrer une vision académique et mélancolique de l’Amérique blanche des années cinquante. La musique ( une partition alimentaire du maître Morricone qu’on oubliera au plus vite ) est à l’unisson de cette conception qui noie les images sous un déluge de cordes larmoyantes. Lyne se désintéresse de ses personnages ( Charlotte Haze est expédiée en à peine 10 minutes ), délaisse la mise en scène ( pratiquement pas une idée en 2 heures 17 de film si ce n’est les plans filmés à hauteur du chien lors de la première rencontre entre Lo’ et Quilty) mais soigne ses effets ( un simple rai de lumière dans la chambre de Lolita irradie à l’égal d’une descente dans le repaire de La roche aux fées ( ça dira sûrement quelque chose aux plus âgés d’entre vous )) et se régale de porches géorgiens, de maisons cossues ( comment imaginer que la veuve Haze ait besoin d'un locataire dans un intérieur aussi luxueux ? ) et de voitures vintage amoureusement briquées pour l’occasion.

Si Le fond procède de la forme comme disait en termes plus incisifs le critique André Bazin , alors le Lolita version 1997 est un film sans âme, triste et creux.

Stanley, James et Sue peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Leur vision de Lolita n’est pas près d’être reléguée au grenier de la cinéphilie, n’en déplaise aux internautes aveugles.

Saturday, October 08, 2005

affiche e ses mains

Des critiques ont dit d’Hitchcock qu’il filmait les scènes d’amour comme les scènes de meurtre et les meurtres comme un acte d’amour. Comment ne pas alors invoquer l’esprit du Maître après avoir visionné la magnifique scène finale d’Entre ses mains, le film d’Anne Fontaine actuellement sur les écrans.

Ne sachant rien de l’intrigue, j’étais parti au Dragon, simplement au vu de ce que promettaient une rencontre entre Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré. J’aurais dû me souvenir qu’Anne Fontaine avait déjà signé plusieurs films dont le très perturbant Nettoyage à sec. Même si les premiers plans sur le visage empâté de l’ex- Monsieur Manattane suintaient déjà le malaise qui allait lentement se propager à l’ensemble du film, je partais pour une chronique douce-amère réussie dans la lignée de L’année Juliette ou de l’Irrésolu mais pas pour un drame hitchcockien. Non, Anne Fontaine a visé haut en refusant de cantonner le personnage de Laurent dans la posture du monstre et en écrivant une histoire d’amour tordue et pathétique. Isabelle Carré, qui, malgré tout le mal qu’on a pu en dire , est tout de même une des très rares actrices actuelles à pouvoir conjuguer l’innocence et la perversité ( les scènes en discothèque ), suscite le trouble, ce fameux trouble qui manquait si cruellement au jeu de Natalie Portman dans Garden State. Quant à Benoît Poelvoorde, rassurez-vous, je ne vous ferai pas le coup du syndrôme Tchao Pantin. Il confirme plus qu’il ne révèle tout le bien qu’on pouvait penser de lui depuis C’est arrivé près de chez vous. Mais le principal artisan de cette réussite, c’est bien Anne Fontaine qui filme au plus près des corps ( le tête à tête terrassant près de la salle de danse ) , qui maintient la tension sans faillir et débusque nos peurs les plus enfouies.

Friday, October 07, 2005

Garden state

Voilà ce qui arrive quand à 12 ans, on tourne sous la direction du plus mauvais metteur en scène au monde ; à 23 ans, on se retrouve avec les oreilles de Freddy Krueger.
PDVD_001
Bon, Sam, son personnage dans Garden State, a beau avoir une platine vinyle et écouter The Shins,
PDVD_002 on comprend mal ce qui peut décider Andrew ( Zach Braff ) à aller plus loin qu'une petite ballade en sidecar avec elle et moi, je comprends mal ce qui a pu me faire aller jusqu'au bout de ce navet. Vanté comme un petit film indépendant, les deux-trois plans intrigants du début ne masquent pas longtemps l'imposture. Voilà l'image même d'un jeune réalisateur qui capitule face à son sujet, qui plutôt que de faire confiance au cinéma, préfère s'engluer dans des monologues psychologisants et le final putassier dans un hall d'aéroport ( que même Lelouch n'aurait pas osé tourner) confirme cette abdication.