Tuesday, July 03, 2007

Steamboat around the bend


The Ford philosophy is a rambling apologia for unthinking violence later disguised by the sham legends of old men fuddled by drink and glory. The visual poetry so often attributed to Ford seems to me claptrap in that it amounts to the prettification of a lie – Fonda in the chair in Clementine, the lines of cavalry in so many films, the lone figure in Monument Valley, the homestead interior, as airy and vulgar as gravure advertisements for kitchenware”.
David Thomson in The new biographical dictionary of films.


Moi qui ai tant aimé Ford (l’un des très rares réalisateurs dont j’ai vu plus de dix films), qui continue à placer The Searchers au dessus de tout ( du moins la première heure), je pensai bizarrement à ces lignes au sortir de Steamboat around the bend (1935)ce matin dans la salle 1 du cinéma Le Dragon. En effet, sous ses airs d’innocent film-poursuite entre deux bateaux à aube, Steamboat condense tous les reproches que Thomson adresse à Ford : les personnages dépassent rarement le statut de caricature (le faux prophète, le shérif débonnaire, le cul-terreux borné, le jeune premier innocent, le noir simplet tout droit sorti de La case de l’oncle Tom), la sensiblerie et le paternalisme commandent tout (Doc est bien bon de prendre à son service les rebuts de la société et il essuie une petite larme lorsque le Duke et Fleety Belle se marient) et tout ce qui peut blesser ou choquer est gommé au profit d’une vision mythique du passé (40 ans après la fin de l’esclavage, les noirs regrettent encore Dixieland et l’esclavage). La façon dont à la fin du film Ford se débarrasse de l’enjeu même du film (Duke, qui a tué en état de légitime défense va être pendu) est à cet égard significative. En moins de deux minutes « chrono », Doc gagne la course des steamers, obtient du gouverneur la grâce de Duke et s’installe à bord de son nouveau bateau. Nulle part, la justice expéditive est remise en question non plus que l’incroyable corruption de l’avocat de Duke. Ford, si prodigue en fausse authenticité élude le conflit, répugne à mettre en scène le travail coercitif de la loi (le shérif laisse à Doc les clés de la prison pour y enfermer son neveu) et au final transforme tout en folklore (l’esclavage comme la pendaison).

D’où vient pourtant qu’au milieu de tout ce fatras complaisant et sentimental le spectateur que j’étais ne mâchait pas son plaisir ? De raisons que Thomson feint de ne pas voir et d’abord de l’incroyable tendresse du vieil irlandais pour ses personnages (tous existent pour de vrai à commencer par le truculent Shérif Rule Jeffers (Eugene Palette*, un des fabuleux character actors auxquels Philippe Garnier a consacré le fantastique Caractères : moindres lumières à Hollywood) mais aussi de l’ironie affectueuse dont il enveloppe même les individus les plus antipathiques (le « nouveau Moïse » en manquant se noyer (un comble) oublie un peu son combat contre l’alcool pour aider le Doc à faire triompher son bateau à aube). Ford excelle également dans les brusques changement de ton (de l’humour potache de la visite du Musée de Cire aux scènes spectaculaires du départ de la course en passant par la poésie des plans consacrés au fleuve et à ses berges) qui fait que pas un instant l’attention ne décroche.
Vision trompeuse de l’histoire peut-être mais séduisante tromperie sans aucun doute.
* : Ne faites pas cet air ahuri. Vous connaissez sa trogne inimitable. C’est celle de frère Tuck dans The adventures of Robin Hood (1939.

Ce post a été écrit à la demande de Vincent pour son blog-a-thon Ford visible ici