Saturday, May 21, 2005

Breathless

Une belle idée de réincarnation : le soutien gorge noir de Christina dans Anything elseCristina

Nostalgia is the opiate of the masses ( Samantha )

Difficile parfois de défendre certains films auxquels pourtant on tient plus qu’à beaucoup d’autres ( même si on parle nettement plus de ceux-ci que de ceux-là ). Difficile parce que tout nous dicte de les rejeter : les enseignants les moins esthètes les plébiscitent, les connaisseurs font la moue, ils n’annoncent pas le cinéma de demain et surtout ils ont rencontré un large succès public. Un exemple qui me vient immédiatement à l’esprit : Goodbye Lenin de Wolfgang Becker . Devant défendre ce film en commission , je me suis salement embrouillé, ne sachant pas trouver les mots qu’il fallait face à ceux qui déploraient son « esthétique de téléfilm » et semblaient faire une concession aux profs les moins cinéphiles en l’acceptant dans la programmation de Collège au cinéma 2004-2005. Pourquoi ai-je été aussi bredouillant, aussi peu éloquent ?
Pourquoi parlai-je aussi mal d’un film qui me tenait tant à cœur ?
Peut-être justement parce qu’il me parlait de choses très intimes. Beaucoup d’éléments extra cinématographiques il me faut vous l'avouer entraient ici en jeu.
En effet, il y’a dans Goodbye Lenin un panorama presque complet de mes idées fixes : le rapport au père, les liens fraternels et aussi l’exploration du passé seul capable de nourrir véritablement le présent ( Virgin suicide ne reposait-il pas sur ce même substrat ? ) . Alex fait la même erreur que Scottie dans Vertigo : il croit pouvoir remodeler le présent à la lumière du passé. Illusion mortifère bien sûr mais ô combien familière et troublante.
Malgré les lycéens païens qui faisaient bruire leurs chips au premier rang, j’ai été happé dès les premières secondes par le film pour ne plus me relever. L’utilisation de fausses images super8, la voix off d’Alex ( Daniel Brühl ), l’Allemagne de l’est ( quand le passé est nié, le présent est amputé me semble-t-il ) et plus que tout la musique de Yann Tiersen ( à la fin, découvrant son nom au générique, j’avais honte de toutes les vilenies proférées à la sortie d’Amélie Poulain ) m’ont mis sous hypnose, dans une chrysalide paralysante et j’ai dès lors abdiqué toute distance critique ( ce qui fait qu’au fond, peut-être suis-je lâchement satisfait de ne pas travailler sur ce film )

Ariane
C’est après le plan ci-dessus que se situe mon abréaction . Ariane ( Maria Simon ), la sœur d’Alex, découvre les lettres de son père cachées dans le placard en formica de la cuisine. Le montage alterné me transperce: pendant que Frau Kerner est transférée en ambulance à l’hôpital suite à son deuxième infarctus , Ariane frénétiquement, ouvre les lettres que sa mère lui a caché pendant si longtemps. Et à l’identique, mon regard se brouille.

Friday, May 06, 2005

Oh no, not another teenage movie !

Il y’a dans Donnie Darko tous les ingrédients du teen movie traditionnel, celui que je scrute à la loupe de l’ethnologue depuis que John Hugues nous a mis en relation, Molly Ringwald et moi ( un père aux petits soins pour sa pelouse, une mère sous tranquillisants, une péri-urbanité étouffante, une high-school au porche en briques rouges, des proto-cheerleaders en guise de spectacle de fin d’année, une Halloween party évidemment dans le dos des parents, des bullys à cran d’arrêt et même une bande-son beaucoup plus anglaise que ce qu’écoutaient les américains d’alors ( à l’identique de Pretty in pink ) mais tous ces composants-là sont subtilement contournés, tordus de l’intérieur sans que jamais la parodie n’effleure ( ce qui aurait ruiné le projet même du film). Les profs ne sont pas que des caricatures ( Drew Barrymore et Noah Wyle au premier chef ), Donnie est creepy à l’extrême mais avec des signes extérieurs de normalité ( ce qui le rend encore plus effrayant que Tobey Maguire dans Wonderboys avec qui il entretient d’ailleurs une parenté intellectuelle, physique et vocale assez étonnante), on va voir Evil Dead au cinéma mais on lit Stephen Hawking en douce, la lovestory refuse aussi bien le pathos que l’attendrissement larmoyant et ( chose rarissime ici ) on parle même politique ( Dukakis est mis en balance avec George Bush le père ). Donnie Darko
Bref, le genre est suffisamment subverti ( mais le squelette est là, presque charnu ) pour que celui qui goûte modérément aux frasques d’Uncle Buck ou de Sweet sixteen trouve quand même son pied. La partie fantastique ( généralement moins mon truc ) n’abuse pas d’effets spéciaux tape-à l’œil et préfère instiller une angoisse sourde ( quelques beaux plans de villes inondées et d’une hache enfoncée dans le crâne d’un colosse de bronze ). Frank, le double inassumé fait d’ailleurs moins froid dans le dos que les adeptes béats du gourou Cunningham et leur bonheur obligatoire, aussi « flippants » que les voisins White trash d’Edward Scissorhands.
Et puis et c’est vraiment un signe qui ne trompe pas, la fin est réussie, laissant la métaphysique au rancard et le spectateur à la misérable réalité de l'existence.