Saturday, March 04, 2006

Audiard, pas mort

Audiard
Décidément, Audiard et les Cahiers, ça n’a jamais été et ce ne sera jamais une histoire d’amour. Hier, les ricanements de l’homme à la casquette face aux idéologies
criminogènes ( qui ne se souvient de l’évocation par Gabin-Maréchal dans Le cave se rebiffe des "kolhozes fleuris" censés remplacer les lupanars d’antan, synonymes de débauches bourgeoises ?) faisaient tousser les rédacteurs de l’époque Narboni-Comolli en plein aveuglement maoïste. Aujourd’hui, après la reprise en main de Jean-michel Frodon et de son équipage de cinéphiles « altermondialistement » bien-pensant, «le plus célèbre des dialoguistes français» ne fait pas davantage recette dans la vénérable revue créée par André Bazin. Dans le numéro de mars, Jean- Pierre Rehm chroniquant la sortie d’un coffret Gaumont consacré aux quatre films qu’il a réalisés y va à son tour d’une diatribe assassine. Plus de vingt ans après sa mort, le scénariste de Mortelle randonnée se fait « repasser » une seconde fois.
On ne peut nier à M. Rehm un certain brio dans le maniement de la massue (« Musée Grévin de la facétie langagière, méchante gesticulation à blanc, l’ancienne verve se laisse observer, expérience de laboratoire, virtuose remisée en cabine de studio ») même s’il est lui aussi adepte de ce jargon fatiguant qui montre bien que décidément, aux Cahiers , on n’est pas là pour rigoler (« Classe bavarde [ la petite bourgeoisie qui s’est approprié Audiard] mais sourde aux autres. , et à elle, qui ne sait plus quelle intelligence, quelle ruse du soumis y loger ( ????) »). Audiard échappe de peu à l’épithète coutumière de pétainiste mais pas à la rengaine de la « France rance », toujours prête à resservir à la moindre blague misogyne ou homophobe.
C’est ce type d’arguments qui pendant longtemps m’a empêché de savourer sa gouaille. Petit soldat de l’éducation citoyenne, je ne pouvais pas, je ne devais pas succomber aux répliques cyniques du « p’tit cycliste ». Et puis, partant du principe que les plaisirs coupables sont souvent les meilleurs, je me suis laissé aller. Du Rouge est mis au Cavaleur en passant par Un taxi pour Tobrouk, j’ai rattrapé le temps perdu, béat, devant le mauvais esprit triomphant et les répliques qui fusillent.
Hier, en regardant L’incorrigible ( philippe de Broca, 1975), je repensai aux griefs de Rehm ( « mysoginie usante, mépris dispendieusement distribué à tous ») et je me disais que les films dialogués par Audiard n’avaient pas tous si mal vieilli que ça ( soyons honnêtes, la réalisation de De Broca y est évidemment pour quelques chose allégeant ce que « la galerie de portraits a parfois de répétitif »). Misogyne, voire… Geneviève Bujold ( c’est votre idéal féminin ? Comme je vous comprends !) sous ses dehors de fille à papa évaporée triomphe joliment du marché de dupes que le beau Bébel lui met dans les pattes, un peu à l’image de Christine Dejoux dans L’’apprenti-salaud, le beau film de Michel Deville. Misanthrope, voire itou… L’incorrigible vaut pour sa galerie de paumés au grand cœur ( Charles Gérard et sa marmaille) et la touche de poésie saugrenue et savoureuse qu’apporte Camille-Julien Guiomar ( lui,n’attendons pas qu’il soit mort pour le couvrir de louanges ). Ah, l’entendre dire à son neveu Victor : «
Ne serait-ce qu'à cause de ton vocabulaire, tu ne connaîtras jamais l'atroce volupté des grands chagrins d'amour. Mais tout le monde n'a pas la stature d'un tragédien... Contente-toi du bonheur, la consolation des médiocres. »
1975, époque bénie où Emmanuelle Devos n’encombrait pas encore tous les écrans et où messieurs Ceccaldi, Dalban, Guiomar étaient de toutes les sauteries.

Geneviève B.

6 Comments:

Blogger Albinienne Parisienne said...

Au fait, tu ne devais pas nous en dire plus sur le film Match Point?
Tu ne voulais pas dévoiler l'intrigue avant que tout le monde l'ait vu.
Je crois qu'il est temps d'en parler maintenant ! J'ai hâte de connaître ton point de vue...

7:27 AM  
Blogger Eric Aussudre said...

En te lisant,je regrette amèrement de n'avoir pas immédiatement couché sur le clavier la théorie que j'avais sur le dénouement de Matchpoint. Aujourd'hui, après avoir constaté que ce film créait une vraie ligne de rupture entre fans de Woody, I'm not so sure. Je veux revoir les dix dernières minutes (tout ce qui suit la sublime scène des spectres) pour ne pas dépendre d'un souvenir de plus en plus flou. Et ainsi écrire ce fichu billet.

12:27 PM  
Blogger Albinienne Parisienne said...

Tu parles de ça comme on parlerait du conflit isrealo-palestinien... .
On s'en branle de ce quee pensent les so said "fans" de Woody (dont je fais plus ou moins partie), ce que je voudrais c'est TON point de vue sur TON blog.
Sinon, je peux lire les critiques ailleurs, vois-tu?
Sois plus instinctif et spontané dans tes impressions pour une fois, ton point de vue n'a pas besoin d'être systématiquement académique.

3:57 AM  
Blogger Albinienne Parisienne said...

http://www.michelaudiard.com/accueil.htm

6:52 AM  
Blogger Eric Aussudre said...

Instinctif, spontané, personnel sont des adjectifs que j'aimerai faire miens. Mais, las, parasité par les gloses entendues sur Matchpoint, mes impressions premières s'évanouissent peu à peu. J'ai bien conscience cependant de te, de vous devoir un billet. Permets-moi de me fixer un délai de deux mois mais pas un jour de plus !

4:00 PM  
Blogger Albinienne Parisienne said...

ok ! bon week-end !!!

7:10 AM  

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