Thursday, May 25, 2006

Do you like big butts ?

crumb 1

Quel est le point commun entre Brian Wilson, Marvin Gaye et Robert Crumb en plus d’être parmi mes artistes américains préférés ? Celui d’avoir été battu comme plâtre par leur paternel. C’est ce que j’ai découvert hier soir en regardant le captivant travail de Terry Zwigoff, Crumb, réalisé en 1994 . Des trois frères Crumb (les deux sœurs ayant refusé d’apparaître dans ce documentaire), Robert est le seul à n’avoir pas complètement sombré (Charles a multiplié les tentatives de suicide et vit comme un reclus assommé par les anxiolytiques (il réussira d’ailleurs son suicide peu après le tournage du film) et Maxon vit d’aumône et de méditation transcendantale quand il ne déculotte pas des femmes dans les supermarchés). Ce qui l‘a sauvé ? Le dessin, bien sûr mais Charles aussi était sacrément doué et pourtant cela n’a pas suffit.
Crumb est un putain d’artiste* et même si, au cours du documentaire, des intervenants viennent rappeler combien il leur fait penser à Daumier ou Bruegel, je trouve qu’il a son style bien à lui, immédiatement reconnaissable. J’adore son trait gras, charnu comme les vénus callypiges dont il raffole. Sa vision des femmes peut faire grincer des dents à des féministes un peu tatillonnes mais je me retrouve complètement dans sa fascination pour ces corps bien cambrés, ces fesses fermes et musclées ( c’est d’ailleurs, il le confesse, la partie du corps qu’il s’applique le plus à dessiner) mais un peu moins pour les mollets vigoureux. Moi, ces « orgies gratuites », « cette pornographie infantile » me plaisent énormément mais de toute façon, j’ai toujours eu un faible pour les artistes fétichistes. Crumb a su comme personne, évoquer le « petit homme qui s’agite dans notre cervelle » et qui perd tout sens commun à la vue d’une bretelle de soutien-gorge découverte ou d’un fessier rebondi. A la vérité, même si beaucoup de ses planches voient des petits hommes déplumés et craintifs chevaucher de magnifiques créatures stéatopyges, les femmes qu’il représente sont volontaires, audacieuses et au final beaucoup plus insoumises que dans beaucoup de comics « licencieux ».

oy she was trouble
Comme si cela ne suffisait pas, Robert Crumb se révèle être dans ce documentaire un vrai maniaque du disque. Son bureau est rempli d’étagères saturées de 78 tours. Le rock et la musique populaire post-Elvis lui font horreur (on parle quand même d’un homme qui s’est payé le luxe de refuser une pochette aux Stones ) et il s’emporte quand on l’assimile abusivement à la période flower power et à la musique idoine ( pas du genre à écouter Grateful Dead, l’ami Robert). Non, ce qui le met en transe, Monsieur Crumb, c’est la musique telle qu’Alan Lomax l’a recensé dans ses travaux pour la Bibliothèque du Congrès. Des blues acoustiques surtout, des vieux airs de ragtime aussi.Des trucs aussi datés que sa garde-robe. Sûr que Zwigoff s’en est souvenu lorsqu’il a recréé le personnage de Seymour (Steve Buscemi) dans Ghost World**. Ces grands fondus asociaux me font toujours craquer (l’auteur de Mr Natural a retardé pendant des années on déménagement en France à cause de ses disques qui risquaient d’être endommagés dans le transport) et bien que la discothèque de Crumb soit très éloignée de la mienne ( pas sûr qu’il accepte de rentrer dans une maison où on écoute George Michael), la vision de l'artiste assis sur son lit et écoutant religieusement Geechie Wiley jouer et chanter Last kind word est un condensé de ce que je préfère chez mes congénères humains .

« Quand j’écoute de vieux disques, ça me réconcilie presque avec l’humanité. C’est la plus belle part de l’âme populaire. C’est là que s’exprime le rapport à l’éternité ». R.Crumb in Crumb
*: Erotomane ou non, précipitez-vous sur My troubles with women où Crumb revient en long et surtout en large sur la genèse de ses obsessions féminines.

My troubles

** : Je soupçonne Zwigoff de partager aussi les goûts de Crumb en matière de beau sexe (On ne prend pas une déesse comme Thora Birch pour incarner Enid par hasard)

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